MASSON
Thierry
Officier
Pilote de Ligne
avec
le soutien de la coordination des opposants
Monsieur
François HOLLANDE
Président de la République française
55 rue du Faubourg
Saint Honoré
77008 PARIS 8e
Lettre
ouverte à François HOLLANDE
Haute
Goulaine, le 3 janvier 2013
Monsieur
le Président,
Si
je n'ai pas ordinairement vocation à m'inscrire dans une logique contestataire,
et encore moins rétrograde, je souhaiterais vous faire part de mon étonnement
lorsque nous parlons du transfert de l'aéroport Nantais qui fonctionne
parfaitement vers une future structure à Notre-Dame-des-Landes, ce dans le
périmètre de mes compétences, fort de mon expertise technique d’officier Pilote
de Ligne exerçant à ce jour depuis près de 25 ans à transporter des passagers,
dont 10 années de Commandant de bord avec 18000 heures de vol, pour le compte de
notre Compagnie Nationale.
Ce
projet est loin de garantir un niveau opérationnel compte tenu de son
architecture future déjà dépassée, à la viabilité relevant d'hypothèses hautes
sans prise en compte de la technicité et de la fragilité du modèle économique et
industriel lié à la spécificité du Transport Aérien, qu'aucun organisme aussi
sérieux que l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale ou l'Agence
Internationale du Transport Aérien n'aurait osé imaginer. Cependant, l'enquête
conduisant à la déclaration d'utilité publique de février 2008 l'a
validé.
L'aéroport
de Nantes-Atlantique répond à la totalité des critères les plus stricts imposés
à notre secteur d'activité. Sa croissance est certes constante, forte de ses 3,2
millions de passagers. Mais c'est en termes de mouvements d'avions que se
calcule et s'anticipe avant tout le dynamisme d'une telle plateforme. A Nantes
il y a une quasi stabilité avec environ 50000 mouvements de vols commerciaux par
an. L'augmentation du nombre de passagers revient à une meilleure performance
grâce à l'optimisation du remplissage de chaque vol où les compagnies aériennes
assurent au jour le jour l'activité aéroportuaire avec un emport moyen ici de 75
passagers (moyenne nationale 90).
Pour
cette activité, il faut faire un distinguo entre les lignes régulières qui ont
une croissance conforme aux performances des autres aéroports régionaux
similaires de France ou des pays voisins, et les vols charters ou lowcost,
uniquement liés à la saisonnalité de cette activité, qui ''tirent'' vers le haut
l'activité de Nantes Atlantique, saisonnalité significative seulement 6 mois par
an !
Par
ailleurs, la sécurité de Nantes Atlantique correspond aux performances
détaillées par des normes les plus strictes rédigées par l'Organisation de
l'Aviation Civile Internationale (191 états membres, 1200 compagnies aériennes).
Celles-ci, reprises en France par le Ministère des Transports et la Direction
Générale de l'Aviation Civile, ont classé Nantes Atlantique en catégorie A,
c’est-à-dire sans aucune particularité référencée de type environnemental,
contrainte de survol en tous genres, obstacles, espaces à particularités type
industriel, militaire ou zone à sensibilités remarquables.
Voici
de quoi faire taire définitivement les détracteurs de l'Aéroport actuel arguant
maladroitement, vraisemblablement par méconnaissance, d'une nécessité absolue de
transfert.
Son
hypothétique saturation peut être anticipée à tout instant compte tenu de la
surface aéroportuaire actuellement disponible avec de multiples extensions
imaginables comme cela se fait partout en Europe mais aussi en France lorsque
l'on constate une croissance significative en cours ou à venir. C'est ce qui se
produit sur bon nombre d'aéroports nationaux et internationaux avec des
extensions des aérogares et/ou des parkings avions. Localement citons Bordeaux,
Marseille, Nice, Lyon, etc... La liste n'est pas
exhaustive.
Sa
dangerosité un moment soulignée relève surtout de l'agitation médiatique alors
qu'aucun constat sérieux ne l'a un instant indiquée au regard de l'ensemble des
références aéronautiques sur cette question sensible. Localement, les organismes
de surveillance et de suivi sont adroits et efficaces, l'Autorité de Contrôle
des Nuisances Aéroportuaires parfaitement opérationnelle à ce jour. De nouvelles
techniques de survol ont été ébauchées par des ingénieurs de l'Aviation Civile,
démontrant que nous pouvons envisager à moindre coût des améliorations
significatives dès lors que nous aurons surpassé le ''syndrome
Notre-Dame-des-Landes '' celui qui semble actuellement nous dicter de ne rien
faire à Nantes Atlantique puisque Notre-Dame-des-Landes pourrait être réalisé
dans les années à venir...
Si
dangerosité potentielle il y avait, que faire du principe de précaution que l'on
sait applicable à tout instant, et suspendre sine die l'activité de notre
aéroport actuel ?
Sur
l'aspect logistique, faut-il le rappeler, l'aéroport de Nantes Atlantique
possède ce dont bon nombre n'ont pas la chance d'être dotés à savoir des
servitudes type ligne de tramway à proximité immédiate, voies ferrées jouxtant
les aérogares actuelles, réseaux routiers performants ouverts vers l'océan
proche ainsi que vers les axes routiers en direction de Paris, Bordeaux, la
Bretagne immédiate, la Normandie toute proche. Ici satisfecit total concernant
le Schéma de Cohérence Territorial local ! Nous ne sommes pas enclavés
!
L'aéroport
de Nantes Atlantique, classé depuis de très nombreuses années au 10ème rang des
aéroports Français, c’est-à-dire dans le ventre mou de ces aéroports de
province, a et aura une vocation avant tout régionale tant aux niveaux Français
qu'Européen. Les compagnies aériennes régionales ont remis le trophée ERA Award
2011-2012 du meilleur aéroport européen à l’équipement pour
Nantes-Atlantique.
Le
réseau de lignes aériennes est dicté par la demande. Ce sont les compagnies
aériennes qui nous l'indiquent et décident de venir se poser à Nantes à la seule
condition que cette clientèle passagers soit au rendez-vous. Les capitales
économiques à desservir sont limitées par cette demande et seule l'offre des
vols vacances fluctue en fonction des choix économiques rentables et
rémunérateurs pour les opérateurs de l'aérien. Un aéroport ne dicte pas l'offre,
c'est le marché qui l'oriente, offre construite à partir de situations
d'origines structurelles ou conjoncturelles.
Ce
sont l'Observatoire des politiques et stratégies des transports en Europe ainsi
que le Comité National des transports qui nous chiffrent cet état ainsi que les
éventuelles perspectives de croissance reprises par les services de notre
Aviation civile, ici en France ! Un aéroport répond toujours à un besoin mais ne
génère pas ce besoin.
Quid
alors de cette fameuse croissance pour Notre-Dame-des-Landes à 9 millions de
passagers en 2065 et quelles perspectives à moyen ou long terme
?
L'ensemble
des experts indiquent qu'il y aura croissance, mais résolument limitée à la
Chine, à l’Inde et au Moyen Orient, régions formidablement émergentes. Peu ou
pas sur le continent nord Américain et encore moins en Europe. En cause, la
relation directe entre économie du transport aérien et PIB de nos états/région
(diagnostic sinon repris par la DGAC). L'IATA annonce que sans croissance
durable et supérieure à 2%, la ressource financière pourrait être exsangue. Les
coûts carburant impactés par le prix du pétrole et les quotas de CO2 pour
l'aérien intégrés aux accords de Kyoto feront du dynamisme économique et
industriel un eldorado ou un... fiasco. A l'heure actuelle, toutes les
compagnies aériennes mettent en place des plans d'adaptation avec réduction de
leurs effectifs et leurs moyens matériels, en les minorants par exemple pour Air
France -12%, pour Lufthansa -17%, Air Portugal -20%, British Airways et Ibéride
– 25%, Alitatlia -28%, Scandinavian -44%, Ryannair immobilisant plus d'un quart
de ses avions au sol...
Enfin,
ces mêmes compagnies, traditionnelles ou émergentes, se rassemblent, créent des
synergies en fusionnant et se centralisent sur des plateformes uniques, le cas
est valable dans toutes les capitales européennes et au
delà.
Dès
lors, la mise en perspective de projet d'Aéroport du Grand Ouest avec une
nouvelle plateforme dotée de 2 pistes, qui plus est non parallèles, étonne.
Pourquoi 2 pistes ? Pourquoi la plus grande des deux, avec ses 2900m de long par
45m de large, limitatifs au regard des dimensions et des performances pures des
avions gros porteurs n’est-elle pas plus grande que celle existant déjà à
Nantes-Atlantique, pistes qui plus est non dotées de taxiways parallèles alors
qu'aucun autre aéroport de cette catégorie n’a été créé en Europe avec une telle
configuration depuis... Orly en 1973 ? Ces premières questions révèlent une
méconnaissance significative du fonctionnement d'un aéroport ! Force est de
constater qu'une seule piste astucieusement dotée de sorties rapides et d'une
bande de roulement parallèle suffirait à absorber les flux espérés. La preuve
n'est plus à faire qu'une aérogare correctement dimensionnée et optimisée peut
traiter des dizaines de millions de passagers. Le nombre de futurs postes de
stationnement avions à Notre-Dame-des-Landes est revu à la baisse vis à vis de
l'existant à Nantes-Atlantique, les servitudes liées aux
débarquements/embarquements des passagers se paupérisent, les contraintes des
roulages des aéronefs vont s'imposer malgré la spécialisation des pistes
annoncées...
De
plus, il n'y a aucune garantie sur l'emploi puisque selon la règle observée, en
tout cas si l'on se conforme aux usages, cet aéroport drainera en moyenne tout
au plus 700 emplois directs par million de passagers, classique en France comme
en Europe pour un aéroport de province.
Enfin,
nombre d'aéroports aux santés financières exécrables sont sous utilisés compte
tenu de leur dimensionnement, je pense notamment au troisième aéroport parisien
de VATRY avec 52000 passagers/an et une piste de 3850m; que dire de Clermont
Ferrand, Epinal, Metz-Nancy Lorraine, Tours, Poitiers, Bergerac, etc... La liste
est malheureusement encore longue !
Si
l'art de la politique est de prévoir pour gouverner, anticiper pour s'adapter,
les approches intellectuelle, industrielle et pragmatique de ce projet
d'aéroport devraient être de ces rendez vous à ne pas manquer. Quelle que soit
l'attractivité en cours ou à venir pour nos belles régions de l'ouest, qui va
parier sur des vols transcontinentaux entre Los-Angeles, Singapour, Sydney ou
Dubaï vers Notre Dame des Landes ? Que va devenir le bassin industriel existant
au Sud Loire avec l'unité de production d'Airbus si l'aéroport de
Nantes-Atlantique, comme le prévoit la Déclaration d'Utilité Publique, est
transféré vers le nord Loire ? Et si Nantes-Atlantique n'était plus déplacé ?
Quelle place manque-t-il aujourd'hui à Nantes pour rester en connexion parfaite
avec l'Europe immédiate ou le Monde tout proche ?
Rien
n'indiquant que nos concitoyens et notre nation aient besoin d'une telle
infrastructure, il est urgent de mettre en place les conditions raisonnables
d'un moratoire pour revisiter les demandes et perspectives sérieuses du marché
potentiel, les besoins et demandes des compagnies aériennes, ainsi qu'une
cohérence industrielle, a fortiori économique et sociale.
Au
regard des règles liées à l'aménagement du territoire, il n'a jamais été
constaté qu'un aéroport allait générer une économie nouvelle, particulièrement
lorsque l'outil correspondant existe déjà et reste sous utilisé, une efficacité
améliorée et optimisée permettrait de ne pas grappiller, gaspiller de nouvelles
ressources financières et foncières colossales dont on sait pertinemment que
nous devons jour après jour en faire l'économie.
Dans
les meilleurs délais, je vais m'impliquer en me rapprochant de la Commission de
Dialogue mise en place à l'initiative de Monsieur le Premier Ministre, adossé au
Collectif de pilotes de Ligne doutant de la pertinence du projet d'aéroport à
Notre Dame des Landes, pour expliquer en détail les sérieux doutes de notre
profession vis à vis de ces choix techniques et stratégiques particulièrement
discutables.
Espérant
ne pas avoir été trop long tout en restant suffisamment détaillé dans ces
explications, je reste, Monsieur le Président, soyez en certain, à votre entière
disposition, et je renouvelle la demande d'entretien que la coordination des
opposants souhaite avoir avec vous depuis 4 mois.
Veuillez
agréer, Monsieur le Président, l'expression de mon profond
respect.
Thierry
Masson
Respect à vous Pilote... et Merci, grand merci.
RépondreSupprimerCQFD ! il nous faut de l'expertise pour sortir des primes émotionnels générés par les confrontations d'enjeux plus ou moins personnels, plus ou moins politiciens, plus ou moins libertaires. Un tel dossier, un tel enjeu financier et écologique, demande de la maturité citoyenne, à laquelle j'aspire moi-même.
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