A Madame la Présidente et
Messieurs les commissaires
de
l’enquête publique loi sur l’eau concernant le projet
d’aéroport
à Notre Dame des Landes et sa desserte routière .
Le
06 août 2012
Madame, Messieurs,
L’ACIPA, Association Citoyenne
Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre
Dame des landes, forte de ses 3500 adhérents et soutenue par plus de 27000
citoyens ayant signé la pétition contre ce projet, a tenu à apporter sa
contribution à l’enquête publique « Loi sur l‘Eau ».
Elle vous fait part de son avis
sur les thèmes suivants:
1- Les conditions du déroulement
de l’enquête.
2- Les obligations issues de la
loi sur l’eau.
3- La qualité de l’état des lieux
initial.
4- La qualité des mesures
compensatoires
5- La pérennité des mesures
compensatoires.
1- Les conditions du déroulement
de l’enquête:
- Est-il normal d’ouvrir simultanément
cinq enquêtes publiques sur un délai très court pour un projet si important, et
en période estivale qui ne permet pas une large participation du public ?
- Deux dossiers loi sur l’eau
sont présentés, l’un pour l’aéroport, l’autre pour sa desserte. Alors qu’on a
bien affaire à un même projet, ce découpage ne permet pas d’appréhender
dans leur globalité ses conséquences sur
un écosystème unique.
- Si les communes dont le
territoire est impacté sont bien consultées, la communauté de communes d’Erdre
et Gesvres ne l’est pas, alors qu’elle est pourtant fortement impliquée dans l’emprise
du projet.
- Le Maître d’Ouvrage, montrant
ainsi qu’il fait bien peu cas de la consultation démocratique, a pris la liberté
de commencer des travaux de compensations (creusements de mares) avant même le
début de l’enquête.
- La DREAL Pays de Loire faisait
paraître dans la presse du 6 juillet 2012 un avis de marché concernant les
transferts d’amphibiens pour la partie « desserte de l’aéroport ».
Est-il légal de soumettre au marché une affaire qui dépend d’une enquête
publique en cours ? … Quelle valeur accorde la DREAL à l’enquête publique quand
elle lance un appel d’offres avant ses conclusions ?
- La CCI Nantes/St Nazaire a
diffusé, auprès des entreprises qu’elle représente, une lettre type pour
contribuer à l’enquête publique. La CCI étant actionnaire de AGO et par conséquent
Maître d’Oeuvre, elle entend ainsi se faire juge et partie. Nous vous laissons
le soin de qualifier ce procédé.
2- Les obligations issues de
la loi sur l’eau:
- Eviter-Réduire-Compenser, c’est
le fondement de la doctrine rappelée par le Ministère de l’Ecologie, du Développement
Durable, des Transports et du Logement dans une note du 19 juin 2012. Sur ce
projet, on a seulement cherché à compenser. Jamais les projets alternatifs
moins impactants pour l’environnement, proposés notamment lors de l’enquête d’utilité
publique, n’ont été examinés.
- Les mesures du SDAGE doivent s’appliquer
intégralement, à savoir: reconstitution d’un milieu écologique équivalent dans
le même bassin versant, si non, c’est une reconstitution à 200%. Au lieu de
cela, le MO applique une règle de compensation qu’il a lui-même établie.
- Les milieux de compensation
doivent être opérationnels avant la destruction. Au lieu de cela, le MO se
donne 2022 (10 ans) pour délai de réalisation des compensations.
3- La qualité de l’état des
lieux initial:
- On est en présence d’un écosystème
de type « tête de bassin versant » constitué à 98% de zones humides,
mais le MO introduit une notion contestable de « pro parte » ( pour
moitié des zones humides)
- Le dossier ne comporte pas de définition
de l’écosystème, notamment dans ses limites géographiques.
- On relève des manques dans l’état
des lieux comme l’absence de la loutre, espèce rare et menacée, pourtant présente
sur le site. A noter aussi l’insuffisante analyse du Gesvres et du Cens, rivières
à potentiel salmonicole.
4- La qualité des mesures
compensatoires:
- Certaines mesures de
reconstitution sont impossibles: par exemple, on ne sait pas recréer une lande
humide atlantique, qui en tout état de cause, mettrait de nombreuses années à
se reconstituer.
- La présence d’une biodiversité
spécifique est avérée, donc difficilement transposable et reproductive.
- L’étendue de la surface pouvant
accueillir les compensations des zones humides est surestimée car elle comporte
des territoires qui ne sont pas dans le même bassin versant (exemple du Cens,
de la rive droite du Gesvres et de l’étier de Cordemais)
- La méthode de compensation
choisie fait état de la notion de « plus-value écologique » qui ne
repose sur aucun règlement ou considérations scientifiques. Il est donc
impossible de vérifier sa validité. De plus, la définition des « unités de
compensation » manque d’explications, et des « coefficients de
compensation » sont choisis arbitrairement par le MO. C’est pourquoi
nous demandons qu’une expertise de cette méthode de compensation soit faite par
un cabinet d’ étude indépendant du MO.
- Des mesures compensatoires sont
prévues sur des territoires où des actions sont déjà programmées (exemple: la réhabilitation
des marais de l’Erdre)
5- La pérennité des mesures
compensatoires:
- Les mesures de compensation
sont prévues en partie sur des terres exploitées par des agriculteurs avec une
convention. La durée du bail rural est de 9 ans. L’observatoire environnemental
est prévu pour 10 ans. La concession accordée à AGO est de 55 ans. Qui peut
garantir la pérennité des mesures compensatoires pendant les 55 ans?
- Le comité de suivi pour les
compensations environnementales n’apporte aucune garantie, car il n’est pas une
autorité scientifique.
- Le MO ne présente aucun
chiffrage sur le coût des mesures compensatoires, ni sur le coût du suivi de
ces mesures. Ceci nous autorise à douter des intentions du MO.
- Le projet d’aéroport qui a fait
l’objet d’une Déclaration d’Utilité Publique comprenait 1650 ha. Le MO , dans
son dossier, l’a réduit à 1200 ha et prévoit des extensions futures sur les
450ha restants. Or une grande part des mesures compensatoires est justement prévue
sur ces 450 ha d’extensions. Aucune garantie n’existe donc que les
compensations soient opérationnelles à long terme.
L’ensemble de nos remarques met
en évidence une volonté du MO d’échapper aux exigences de la loi sur l’eau,
notamment aux mesures compensatoires les plus contraignantes. C’est pourquoi
nous vous demandons de porter un avis défavorable à sa demande d’autorisation
loi sur l’eau.
Pour
l’ACIPA : les co-présidents
Dominique Fresneau
Anne-Marie Chabod Christian Grisollet