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vendredi 18 janvier 2013

Lettre de René Leblanc, maire de Quelneuc (56) à une sénatrice - 26 décembre 2012

                                                                                                                 Quelneuc le 26/12/2012

Objet : mon courrier du 25/11/2012 et votre communiqué, sur votre site, de ce 22/12/2012

Madame la Sénatrice,

Bien qu’élu de la petite commune de Quelneuc depuis 1986 et maire de cette même commune depuis 1995, nous nous connaissons peu.

J’ai eu, cependant,  le plaisir de vous recevoir en mairie en 2011, à l’occasion de votre campagne des sénatoriales et j’en garde un souvenir tout à fait sympathique. Je vous réitère d’ailleurs mes remerciements pour l’aide que vous avez bien voulu accorder à Quelneuc au titre de la réserve parlementaire pour la rénovation de notre mairie.

Aujourd’hui, je m’adresse à vous, étant toujours dans l’attente d’un accusé de réception de votre part au courrier adressé à Monsieur Lapouze le 25 novembre dernier, courrier dont je vous avais remis copie, et venant tout juste de prendre connaissance, sur votre site, du communiqué dans lequel vous affirmez votre soutien,  sans le moindre état d’âme, au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes.

Il est vrai que depuis quelque temps nous voyons fleurir dans la presse des soutiens aussi fermes qu’inattendus à ce projet,  en provenance de diverses sources :
  « la riposte des grands élus » ;
  « la  position du club des Trente » ;
  « le  soutien étonnant  d’un directeur de la CCi de la Région Bretagne » ;
  « les positions communes  des présidents Grosvalet (Loire Atlantique) et Tourenne (Ille et Vilaine)»
pour  ne citer que ceux-là.

Je ne suis qu’un petit élu d’une commune de 550 habitants. Ma propre réflexion et mon opinion vous paraîtront, sans doute, bien dérisoires, et sans intérêt, comparées au lobbying des  grands élus signataires de votre communiqué. 

Je suis libre, n’appartiens à aucun parti politique, ne porte  jugement qu’après avoir pris soin d’en étudier, dans la limite de mes compétences, tous les contours, évitant de me laisser influencer, d’autant que je n’ai aucune carrière, ni professionnelle ni politique, qui puisse limiter mon propos,
J’ajoute que mon cursus universitaire et  mon parcours professionnel ne devraient pas constituer un réel handicap à mon endroit. En effet, titulaire d’un doctorat de chimie organique, ayant enseigné à l’Ecole Polytechnique d’Alger, pendant mon service militaire, en qualité de coopérant,  j’ai effectué l’ensemble de ma carrière professionnelle dans le domaine de l’innovation et plus précisément de la protection des brevets d’invention. J’ai, d’ailleurs, pendant quatre années participé, pour le compte du Ministère de l’Industrie, à la mise en place de l’Office Européen des Brevets  (OEB) dont le siège est à Munich. 
Voici donc mon témoignage.
Devant tant de propos contradictoires issus de toutes parts, j’ai souhaité, pour me forger une opinion personnelle définitive, me rendre  sur le site de Notre Dame des landes. Je m’y suis donc déplacé le 25 novembre dernier. Peut-être avez-vous fait la même démarche?.
Ce que j’y ai constaté ne correspond aucunement aux propos de votre communiqué que je cite « leur contestation par des activistes radicaux et violents n’est pas admissible et explique le déploiement récent des forces de l’ordre »
Me présentant en piéton  paisible sur une voie communale, libre à la circulation et conduisant vers le site, je fus arrêté par les très nombreuses forces de l’ordre présentes (5 camions de gardes mobiles) et je dus, non seulement décliner mon identité, mais, à mon grand étonnement, l’ensemble des informations figurant sur la carte d’identité  furent soigneusement enregistrées par écrit. Je fus également photographié. Cela porte un nom : le fichage. Je n’étais pourtant ni activiste, ni terroriste, ni violent.
Un peu plus loin, sur le site, je constatai une ambiance paisible de personnes de tous âges et de toutes conditions qui arpentaient des espaces gorgés d’eau. Il me fut expliqué que, sous les futures pistes, les empierrements  atteindraient une profondeur supérieure à 5 mètres. Excusez du peu.
Quel intérêt supérieur pourrait  justifier la destruction d’un territoire aussi riche de sa diversité et plus étendu que ma propre commune (1380 ha) ?.
Je décidai alors de quitter Notre Dame des Landes pour rejoindre l’aéroport actuel Nantes-Atlantique que je ne connaissais pas, mais que nos  grands élus, signataires de ce communiqué, doivent visiblement fréquenter.
A ma grande surprise, je trouvai, en ce dimanche après-midi, un aéroport étrangement calme et particulièrement bien entretenu ou des vols nationaux et internationaux, à intervalles d’une douzaine de minutes, décollaient et atterrissaient, vols sûrement plus qu’à demi vides étant donné la faible occupation du hall d’embarquement. Quant au seul buffet de l’aéroport, à l’étage, où je me dirigeai pour prendre un repas, je découvris une centaine de tables entièrement libres de tout occupant et il en fut ainsi pendant l’heure de détente que je m’accordai.
Mais alors, pourquoi  un tel acharnement et tant de contre-vérités pour défendre l’indéfendable ?. Difficile à comprendre.

Le trafic de l’aéroport international de Genève, avec une seule piste, enregistrait en 2011 près de 14 Millions de passagers  (soit plus de  4 fois le trafic de Bouguenais) et celui de Gatwick, au Sud  de Londres, toujours avec une seule piste, comptabilisait, l’an passé, 34 millions de passagers (soit 11 fois plus).

Nantes, nous dit-on, est appelé à un développement majeur et Notre Dame des Landes doit constituer, pour l’avenir, l’aéroport de dégagement de Paris et du progrès pour le grand Ouest. Adossé à l’océan atlantique, il ne desservirait finalement l’espace que sur 180°!. Les villes du Finistère (Quimper, Brest, Lannion, Morlaix, Carhaix), celles de la côte Nord (St Brieuc, St Malo, Fougères) et même Rennes (à 1h26 de Paris, en 2017) auront plus vite rejoint les aéroports parisiens et, qui plus est, par un moyen de transport  plus en phase avec le développement durable tant louangé par nos grands élus.
 Il faut impérativement soulager les aéroports parisiens, au bord de l’asphyxie, notamment pour le fret. Je vous l’accorde. Vous n’ignorez pas qu’à 124 kms de Roissy et 135 d’Orly, existe l’aéroport de Paris-Vatry, avec sa piste de 3900 mètres  qui  reçoit  les  gros porteurs et qui, en 2011, n’a connu qu’un trafic dérisoire de 50.000 passagers, soit moins de 140 passagers/jour. Notre Dame des Landes serait  3 fois plus éloigné de la capitale que ne l’est cet aéroport déjà construit, en déshérence et qui, de ce fait, coûte aux contribuables de cette Région, 20 millions d’euros chaque année pour combler son déficit. De plus, Paris-Vatry rayonne sur 360°, étant donné son positionnement central. Je ne peux donc  comprendre  cet acharnement à discréditer et traiter d’activistes radicaux et violents tous ceux qui réfléchissent et sont déroutés devant ces  affirmations aussi étonnantes qu’unanimes de nos grands élus signataires.

Chaque jour, ces mêmes grands élus nous parlent de développement durable. Oublieraient-ils qu’un boeing 747 engloutit chaque seconde de vol, 3  litres de kérosène. Une traversée de l’Atlantique représente 60 m3 de ce carburant. Il y a urgence à réserver ce mode de transport à l’utile et à l’essentiel. Ne faisons pas de rêves qui ne pourront se réaliser faute de ce bien que sont les hydrocarbures saturés indispensables au transport aérien et sans autre énergie alternative, aussi loin que la science puisse encore l’imaginer pour les 50 années à venir. Il  m’a été rapporté que, lors d’un récent débat public, un élu du territoire des Pays de Vilaine, aurait émis, le plus sérieusement du monde, que demain les avions commerciaux voleront grâce au photovoltaïque. Sans commentaire.
La société BATSCAP dont le siège à Ergué Gabéric, près de Quimper, est  leader mondial dans le domaine des batteries (notamment au lithium-polymère). Les progrès liés à ces technologies sont remarquables et les brevets d’invention déposés par cette entreprise innovante sont nombreux (86 publiés à ce jour). Vous pouvez même les consulter en ligne sur le site de référence mondial de l’OEB « Espacenet ». Toutefois, ce sont plus de 150 kgs de batteries chargées électriquement et embarquées qui permettent à un véhicule de parcourir à peine 200 kms, soit un équivalent  énergétique, en carburant, de 10 litres. Avec 10 litres de cet hydrocarbure  saturé (équivalent en kéroséne), notre boeing ne  volera  que 3 secondes. Je pense qu’il est inutile d’ajouter à la démonstration.
Malheureusement, non pour nous-mêmes aujourd’hui, mais pour les jeunes  générations, le transport aérien est pour très longtemps encore dépendant des hydrocarbures. Au rythme de nos besoins actuels, et à la raréfaction des réserves accessibles à des coûts acceptables, ne raisonner qu’en termes de développement incessant est une ineptie que précisément les jeunes générations ont intégrée.  Ces jeunes ne sont pas les casseurs, les violents, les activistes discrédités par les grands élus peu soucieux  de l’avenir de la planète, de leurs enfants et petits-enfants.
Des milliers de tonnes de fleurs coupées, notamment des roses, débarquent sur notre continent, en provenance du Kénya où des femmes travaillent pour un euro quotidien, dans des conditions d’exposition aux fongicides, pesticides et autres dérivés cancérigènes. Ce sont des dizaines de rotations qui, chaque jour, transitent par nos aéroports. Je suppose que le rêve de nos grands élus défenseurs du projet est d’en voir toujours plus atterrir à Notre Dame des Landes, symbole du progrès de demain.
Selon nos grands élus signataires de ce communiqué à charge, aucun retour sur ce projet ne serait possible puisque toutes les procédures juridiques ont été respectées et que leur mandat électif est garant du droit et du savoir. Ce  raisonnement est  inquiétant. Le citoyen, que je sache, ne donne pas de blanc-seing à des élus pour décider tout et n’importe quoi. A quoi sert un parlement et ses centaines de députés et sénateurs si ces mêmes élus n’ont plus la liberté de conserver un jugement propre et seraient contraints de voter sans le moindre discernement et jugement personnels.
L’histoire récente vient de nous démontrer que de hauts responsables avertis en leur temps des dangers de l’amiante se dédouanent aujourd’hui de leurs erreurs passées, au nom du principe bien connu « ni responsable, ni coupable ».
Vous savez aussi bien que moi que, dans les dossiers politiques sensibles, les enquêtes publiques sont  d’abord destinées à valider la volonté politique, les arguments indésirables étant le plus souvent  simplement écartés ou pris pour quantité négligeable. Il n’y a aucun déshonneur, bien au contraire, à faire évoluer son jugement et même  changer d’avis, lorsque les évidences sont là. La vérité d’hier  (années 70) n’est pas nécessairement celle d’aujourd’hui et encore moins celle de demain. Une jeunesse de plus en plus nombreuse l’a semble-t-il intégré et  accabler cette jeunesse « d’activistes radicaux et violents » est une insulte à  leur égard.
Pour ce qui me concerne, le doute n’est plus permis. Ce projet d’aéroport serait l’arbre qui cache la forêt. Les 260 hectares de Château-Bougon attisent des appétits de construction de millions de m2 de commerces et d’immeubles résidentiels. Faut-il détruire l’aéroport de Nantes-Atlantique et les 1600 ha de bocage de Notre Dame des landes, au mépris absolu de l’environnement. D’autres sites vacants existent certainement pour ce genre de constructions.

Finalement, j’ai  la conviction profonde que, dans de telles conditions, nous pourrions faire l’économie du Ministère de l’environnement.
Je ne crains pas le débat. Je suis même prêt à participer et développer les arguments techniques qui s’imposent, lors de toute rencontre publique qui serait organisée sur ce projet.
A la suite de ce communiqué, je souhaitais vous faire part de mon constat, de ma réflexion et de ma conviction profonde sur ce projet dont, l’inutilité économique et  l’injure  envers le développement équitable et durable  n’est plus à démontrer.
Ne pouvant accéder directement aux adresses ou mels des signataires, je vous prie, Madame, de me les communiquer ainsi que celles et  ceux de la commission Chéreau  constituée pour évaluer les réflexions des uns  et des autres en vue de restituer un rapport de synthèse sur ce sujet.

Je me réserve, en effet, le droit de rendre public, mon propos.

Je vous assure, en cette fin d’année, de ma considération distinguée et vous présente mes vœux pour la nouvelle année 2013
Le Maire de Quelneuc
René Leblanc

1 commentaire:

  1. Wouaou! Merci monsieur Leblanc pour cette verve si juste et si délectable. Ca fait vraiment un bien fou de lire enfin des propos sensés et engagés avec une telle force, bravo vraiment, et puisse votre communiqué faire comprendre enfin à ces politiciens inconscients et maladivement égoïstes qu'ils ne sont élus que par une minorité de citoyens et qu'ils n'ont donc en aucun cas les pleins pouvoirs sur quoi que ce soit.

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