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mardi 19 mars 2013

Lettre ouverte à François Hollande - 30ème lettre de la Vigie Postale

Coordination des opposants au projet d’aéroport à Notre Dame des Landes



44130 Notre Dame des Landes





Lettre ouverte                                                                                           

Monsieur François HOLLANDE

Palais de l’Elysée

55 Rue Faubourg Saint Honoré

75008 PARIS 8e





Notre Dame des Landes le 19 mars 2013



Monsieur le Président de la République,





            Depuis le 26 Août 2012, les opposants à l’aéroport de Notre Dame des Landes vous ont écrit chaque semaine une lettre argumentée. Agriculteurs, élus, citoyens, chefs d’entreprise, nous avons tenté de vous expliquer en quoi ce vieux projet, justifié par de nombreuses manipulations de chiffres et quelques mensonges était à la fois inutile, coûteux et destructeur. Nous demandions aussi, dans chaque courrier, à être enfin reçus à l’Élysée. En vain. Chaque semaine, vous nous avez fait répondre que votre emploi du temps ne vous permettait pas de nous recevoir et que notre courrier était transmis au Ministre des Transports, Monsieur Cuvillier. Lui-même doit avoir un emploi du temps semblable au vôtre puisqu’il n’a jamais daigné nous donner le moindre signe ni même nous signaler avoir reçu notre  courrier.

                Les 1200 élu-e-s du CéDpa, la cinquantaine d’organisations de la coordination, les 4000 adhérents de l’ACIPA, les 40 000 citoyens réunis sur les site le 17 novembre dernier, les 200 groupes de soutien dans toute la France, toutes les organisations agricoles opposées au projet ne pèsent donc rien ou presque, en tout cas moins que telle ou telle personnalité médiatique…

Nous en sommes évidemment très déçus.

                Aussi cette lettre sera-t-elle la dernière. Avant d’achever cette longue correspondance qui s’apparente d’ailleurs plutôt à un monologue puisque nous n’avons eu aucune réponse de fond, nous tenons à vous faire part de notre sentiment au moment où s’achèvent les auditions de la « Commission du dialogue » mise en place par le Premier Ministre.

                Bien sûr nous avions bien compris, à la lecture de sa lettre de mission («  accompagner le dialogue dans toutes les phases de réalisation du projet » (sic) !), qu’elle était mise en place pour faire retomber la tension des derniers mois 2012 et  légitimer le dossier sans le remettre en cause. De ce fait, certains groupes de notre coordination ont naturellement refusé de rencontrer cette commission quand, dans le même temps, les forces de l’ordre étaient toujours en nombre à Notre-Dame-des-Landes et que des destructions de maisons se poursuivaient. Cependant, les élu-e-s du CéDpa, conscients des responsabilités dictées par leurs mandats, n’ont pas voulu pratiquer la politique de la chaise vide et ont accepté de la rencontrer. Vous trouverez ci-après leurs analyses :



                « Nous avons été reçus quatre fois longuement. Nous reconnaissons volontiers la qualité de l’écoute de ses trois membres. C’est d’ailleurs la première fois que nous avons pu développer dans le détail nos arguments et présenter nos alternatives. Nous avons fourni de nombreux documents, des chiffres, des cartes, et avons demandé que tout ce travail soit annexé au rapport final et rendu public. Nous avons aussi demandé à la commission de relayer auprès de la DGAC les très nombreuses questions sur les fondements de la Déclaration d’Utilité Publique, auxquelles elle a jusqu’ici refusé de répondre clairement. Le Président Claude Chéreau nous a aussi confirmé avoir demandé une étude rapide sur ce que pourrait être un  Plan d’Exposition au Bruit révisé sur Nantes. Demande qui était la nôtre depuis plusieurs années, toujours refusée au motif «  qu’on allait partir à Notre Dame des Landes».

                Malgré cette réelle qualité d’écoute et la volonté exprimée par les membres de la commission  d’ « objectiver certains points », nous sommes sans illusion  comme nous l’étions au démarrage pour les raisons évoquées plus haut. Notre dernière audition, mercredi 13 mars, a confirmé nos craintes. Même si  le Président Chéreau a affirmé qu’à ce jour il ne savait pas encore quelles recommandations seraient faites par sa commission, la discussion qui a suivi nous a donné un certain nombre d’indications.

                La commission reconnaîtra vraisemblablement que nombre d’arguments des porteurs de projet ne sont pas valides, par exemple la saturation de la piste (ce que le débat public de 2003 avait déjà tranché). Elle reconnaîtra aussi sans doute que l’extension dans le temps des procédures (débat en 2003, DUP en 2008, enquête loi sur l’eau en 2012) n’a pas contribué à la clarté du débat et explique en partie la situation de blocage actuelle. Cependant, si l’on en juge par les propos tenus, l’argument du pari sur l’avenir surtout en période de crise et la nécessité de proposer un aéroport aux hommes d’affaires afin de relier toutes les capitales européennes dans la journée seront à nouveau utilisés. Lorsque nous avons demandé en quoi Nantes-Atlantique ne pouvait être cet aéroport, on nous a opposé la question du bruit et du risque … Ne vous méprenez pas, nous ne sous-estimons pas ces questions mais nous demandons qu’elles soient elles aussi objectivées. En effet, il nous semble que si ces critères étaient retenus, alors il faudrait que l’État se prépare à financer le déménagement de nombreux aéroports français (Nice, Toulouse, Clermont-Ferrand, Orly,  Roissy, ...) dans une période de restriction budgétaire jamais vue. Le seront-elles vraiment ? Nous en doutons.

                Enfin, nous avons été étonnés que le Président Chéreau semble faire une comparaison de qualité environnementale entre le Lac de Grandlieu survolé sans dommage depuis des décennies,  et la zone de Notre Dame des Landes. Evidemment, le lac est un site exceptionnel mais les ornithologues le savent et l’ont dit – apparemment sans être crus ? - le survol n’est pas un danger pour les oiseaux qui sont beaucoup plus menacés par la dégradation de la qualité de l’eau (assainissement et pratiques agricoles) et qui risque de l’être demain en cas d’ouverture à une urbanisation plus forte du secteur. Même si le site de Notre Dame des Landes est différent de la Brière, ou du Lac de Grandlieu, il n’empêche que la destruction de son bocage et de son système hydraulique, en  tête de deux bassins versants, serait  une véritable atteinte à la qualité de l’eau et à la biodiversité.



                Nous ne pouvons ni ne voulons préjuger des recommandations qui seront faites au gouvernement par la commission : peut-être suggérera-t-elle de moins consommer d’espace à Notre Dame des Landes (moins de parkings ? une seule piste ??). Peut-être ira-t-elle jusqu’à dire qu’il n’y a pas réelle urgence et que des études complémentaires seraient nécessaires ? Cependant le Président nous a clairement dit «  qu’il n’avait pas de doute sur la pertinence d’un nouvel outil », ce qui nous  conforte dans notre méfiance du début. Le Premier Ministre pourrait ainsi afficher sa satisfaction puisqu’il aura donné une image d’écoute et de dialogue mais cela ne le fera pas bouger sur le fond. Voyez-vous, Monsieur le Président, nous connaissons bien ici «  la démocratie à la nantaise »… D’ailleurs, pendant le «dialogue», la destruction d’une nouvelle maison est intervenue, AGO déclare qu’il veut détruire au plus vite la Ferme de Bellevue, les fouilles archéologiques ont continué et le début des travaux routiers est annoncé, le tout sous protection militaire, sans doute fort coûteuse… »



                Nous, Coordination des opposants au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, continuerons donc à mener notre combat devant l’Europe et la Justice pour que soit stoppé ce projet inutile, dépassé et fort coûteux, et aussi sur le terrain, avec tous les habitants de la zone déterminés à gagner cette lutte.

                Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président,  nos salutations certes respectueuses mais aussi  très amères.



La coordination des opposants


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