Coordination
des opposants au projet d’aéroport à Notre Dame des Landes
44130
Notre Dame des Landes
Lettre
ouverte
Monsieur
François HOLLANDE
Palais
de l’Elysée
55
Rue Faubourg Saint Honoré
75008
PARIS 8e
Notre
Dame des Landes le 19 mars 2013
Monsieur
le Président de la
République,
Depuis le 26
Août 2012, les opposants à l’aéroport de Notre Dame des Landes vous ont écrit
chaque semaine une lettre argumentée. Agriculteurs, élus, citoyens, chefs
d’entreprise, nous avons tenté de vous expliquer en quoi ce vieux projet,
justifié par de nombreuses manipulations de chiffres et quelques mensonges était
à la fois inutile, coûteux et destructeur. Nous demandions aussi, dans chaque
courrier, à être enfin reçus à l’Élysée. En vain. Chaque semaine, vous nous avez
fait répondre que votre emploi du temps ne vous permettait pas de nous recevoir
et que notre courrier était transmis au Ministre des Transports, Monsieur
Cuvillier. Lui-même doit avoir un emploi du temps semblable au vôtre puisqu’il
n’a jamais daigné nous donner le moindre signe ni même nous signaler avoir reçu
notre courrier.
Les 1200 élu-e-s du CéDpa, la
cinquantaine d’organisations de la coordination, les 4000 adhérents de l’ACIPA,
les 40 000 citoyens réunis sur les site le 17 novembre dernier, les 200 groupes
de soutien dans toute la
France, toutes les organisations agricoles opposées au projet
ne pèsent donc rien ou presque, en tout cas moins que telle ou telle personnalité
médiatique…
Nous en sommes évidemment très
déçus.
Aussi cette lettre sera-t-elle
la dernière.
Avant d’achever cette longue correspondance qui s’apparente
d’ailleurs plutôt à un monologue puisque nous n’avons eu aucune réponse de fond,
nous tenons à vous faire part de notre sentiment au moment où s’achèvent les
auditions de la « Commission du dialogue » mise en place par le Premier
Ministre.
Bien sûr nous avions bien
compris, à la lecture de sa lettre de mission (« accompagner le dialogue dans
toutes les phases de réalisation du projet » (sic) !), qu’elle était mise en
place pour faire retomber la tension des derniers mois 2012 et légitimer le dossier sans le remettre en
cause. De ce fait, certains groupes de notre coordination ont naturellement
refusé de rencontrer cette commission quand, dans le même temps, les forces de
l’ordre étaient toujours en nombre à Notre-Dame-des-Landes et que des
destructions de maisons se poursuivaient. Cependant, les élu-e-s du CéDpa,
conscients des responsabilités dictées par leurs mandats, n’ont pas voulu
pratiquer la politique de la chaise vide et ont accepté de la rencontrer. Vous
trouverez ci-après leurs
analyses :
« Nous avons été reçus quatre
fois longuement. Nous reconnaissons volontiers la qualité de l’écoute de ses
trois membres. C’est d’ailleurs la première fois que nous avons pu développer
dans le détail nos arguments et présenter nos alternatives. Nous avons fourni de
nombreux documents, des chiffres, des cartes, et avons demandé que tout ce
travail soit annexé au rapport final et rendu public. Nous avons aussi demandé à
la commission de relayer auprès de la DGAC les très nombreuses questions sur les
fondements de la
Déclaration d’Utilité Publique, auxquelles elle a jusqu’ici
refusé de répondre clairement. Le Président Claude Chéreau nous a aussi confirmé
avoir demandé une étude rapide sur ce que pourrait être un Plan d’Exposition au Bruit révisé sur Nantes.
Demande qui était la nôtre depuis plusieurs années, toujours refusée au motif «
qu’on allait partir à Notre Dame des Landes».
Malgré cette réelle qualité
d’écoute et la volonté exprimée par les membres de la commission d’ « objectiver certains points », nous
sommes sans illusion comme nous l’étions
au démarrage pour les raisons évoquées plus haut. Notre dernière audition,
mercredi 13 mars, a confirmé nos craintes. Même si le Président Chéreau a affirmé qu’à ce jour
il ne savait pas encore quelles recommandations seraient faites par sa
commission, la discussion qui a suivi nous a donné un certain nombre
d’indications.
La commission reconnaîtra
vraisemblablement que nombre d’arguments des porteurs de projet ne sont pas
valides, par exemple la saturation de la piste (ce que le débat public de 2003
avait déjà tranché). Elle reconnaîtra aussi sans doute que l’extension dans le
temps des procédures (débat en 2003, DUP en 2008, enquête loi sur l’eau en 2012)
n’a pas contribué à la clarté du débat et explique en partie la situation de
blocage actuelle. Cependant, si l’on en juge par les propos tenus, l’argument du
pari sur l’avenir surtout en période de crise et la nécessité de proposer un
aéroport aux hommes d’affaires afin de relier toutes les capitales européennes
dans la journée seront à nouveau utilisés. Lorsque nous avons demandé en quoi
Nantes-Atlantique ne pouvait être cet aéroport, on nous a opposé la question du
bruit et du risque … Ne vous méprenez pas, nous ne sous-estimons pas ces
questions mais nous demandons qu’elles soient elles aussi objectivées. En effet,
il nous semble que si ces critères étaient retenus, alors il faudrait que l’État
se prépare à financer le déménagement de nombreux aéroports français (Nice,
Toulouse, Clermont-Ferrand, Orly,
Roissy, ...) dans une période de restriction budgétaire jamais vue. Le
seront-elles vraiment ? Nous en doutons.
Enfin, nous avons été étonnés
que le Président Chéreau semble faire une comparaison de qualité
environnementale entre le Lac de Grandlieu survolé sans dommage depuis des
décennies, et la zone de Notre Dame des
Landes. Evidemment, le lac est un site exceptionnel mais les ornithologues le
savent et l’ont dit – apparemment sans être crus ? - le survol n’est pas un
danger pour les oiseaux qui sont beaucoup plus menacés par la dégradation de la
qualité de l’eau (assainissement et pratiques agricoles) et qui risque de l’être
demain en cas d’ouverture à une urbanisation plus forte du secteur. Même si le
site de Notre Dame des Landes est différent de la Brière, ou du Lac de
Grandlieu, il n’empêche que la destruction de son bocage et de son système
hydraulique, en tête de deux bassins
versants, serait une véritable atteinte
à la qualité de l’eau et à la biodiversité.
Nous ne pouvons ni ne voulons
préjuger des recommandations qui seront faites au gouvernement par la
commission : peut-être suggérera-t-elle de moins consommer d’espace à Notre Dame
des Landes (moins de parkings ? une seule piste ??). Peut-être ira-t-elle
jusqu’à dire qu’il n’y a pas réelle urgence et que des études complémentaires
seraient nécessaires ? Cependant le Président nous a clairement dit « qu’il n’avait pas de doute sur la pertinence
d’un nouvel outil », ce qui nous conforte dans notre méfiance du début. Le
Premier Ministre pourrait ainsi afficher sa satisfaction puisqu’il aura donné
une image d’écoute et de dialogue mais cela ne le fera pas bouger sur le fond.
Voyez-vous, Monsieur le Président, nous connaissons bien ici « la démocratie à
la nantaise »… D’ailleurs, pendant le «dialogue», la destruction d’une nouvelle
maison est intervenue, AGO déclare qu’il veut détruire au plus vite
la Ferme de
Bellevue, les fouilles archéologiques ont continué et le début des travaux
routiers est annoncé, le tout sous protection militaire, sans doute fort
coûteuse… »
Nous, Coordination des opposants
au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, continuerons donc à mener notre
combat devant l’Europe et la
Justice pour que soit stoppé ce projet inutile, dépassé et fort
coûteux, et aussi sur le terrain, avec tous les habitants de la zone déterminés
à gagner cette lutte.
Nous vous prions d’agréer,
Monsieur le Président, nos salutations
certes respectueuses mais aussi très
amères.
La coordination des
opposants
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